Revenus du patrimoine : comprendre leur imposition en Suisse

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Avec sa stabilité économique, son système bancaire reconnu et ses conditions de vie attractives, la Suisse attire de nombreux expatriés et investisseurs. Mais derrière cette image de pays prospère se cache une fiscalité bien particulière, souvent méconnue des nouveaux arrivants. Contrairement aux idées reçues, la Suisse n’est pas un « paradis fiscal » généralisé. Elle applique bel et bien des impôts — y compris sur les revenus issus du patrimoine — mais selon des règles spécifiques, parfois favorables, souvent techniques.

Que vous soyez un résident étranger récemment installé, un frontalier propriétaire d’un bien, ou un investisseur désireux de comprendre la fiscalité applicable à vos actifs, il est crucial de bien connaître le fonctionnement de l’imposition des revenus du patrimoine en Suisse. Car dans ce pays, la fiscalité dépend fortement du canton de résidence, du type d’actif détenu et de la situation personnelle du contribuable.

Ce guide vous propose un tour d’horizon complet de ce qu’il faut savoir sur la fiscalité applicable aux revenus immobiliers, financiers et à la fortune elle-même — avec des exemples concrets et des repères utiles pour éviter les mauvaises surprises.

Une fiscalité cantonale avant tout : un système décentralisé

L’un des aspects fondamentaux du système fiscal suisse, c’est sa décentralisation. L’impôt sur le revenu est perçu à trois niveaux : fédéralcantonal et communal. Mais l’imposition de la fortune et de nombreux revenus du patrimoine dépend uniquement des cantons et des communes. Cela implique que la charge fiscale peut varier considérablement d’un canton à l’autre.

Par exemple, dans le canton de Genève, les taux d’imposition sur la fortune sont plus élevés que dans les cantons de Zoug ou de Schwytz, réputés pour leur fiscalité attractive. Ces différences peuvent influencer le choix de domicile des contribuables fortunés ou des retraités disposant de revenus passifs.

Ainsi, il ne suffit pas de connaître la règle « suisse » : il faut connaître la règle de son canton.

Revenus du patrimoine : de quoi parle-t-on exactement ?

En Suisse, on distingue principalement deux grandes catégories de revenus patrimoniaux : les revenus mobiliers, issus de placements financiers, et les revenus immobiliers, liés à la détention ou à la location de biens.

Les revenus mobiliers comprennent les intérêts de comptes bancaires, les dividendes d’actions suisses ou étrangères, les coupons d’obligations, ainsi que les produits d’assurance vie à caractère de placement. Ces revenus sont pleinement imposables, au même titre que les revenus professionnels, sauf exception prévue par une convention fiscale internationale.

Les revenus immobiliers incluent les loyers perçus sur des biens en location, mais aussi, de manière plus originale pour les étrangers, la valeur locative du logement personnel. Il s’agit d’un revenu fictif estimé par les autorités fiscales, censé représenter l’économie de loyer réalisée par le propriétaire occupant.

Enfin, les revenus de la fortune sont soumis à un impôt spécifique, basé non pas sur les flux de revenus, mais sur la valeur nette du patrimoine détenu au 31 décembre de l’année fiscale.

Fiscalité des revenus mobiliers : dividendes, intérêts, assurances

Les revenus issus de placements financiers sont soumis à l’impôt sur le revenu au niveau fédéralcantonal et communal, avec intégration au revenu global du contribuable. Les dividendes perçus d’une entreprise suisse font l’objet d’un prélèvement anticipé de 35 %, reversé à l’Administration fédérale des contributions. Si ces revenus sont correctement déclarés, ce montant est remboursé aux résidents suisses.

Pour les étrangers, le remboursement dépend de l’existence d’une convention de double imposition entre la Suisse et le pays de résidence. Dans certains cas, seul un taux réduit (par exemple 15 %) s’applique, le reste étant retenu à titre définitif.

Les intérêts issus de comptes bancaires suisses, obligations ou fonds sont aussi imposés, mais ils ne font pas toujours l’objet d’un prélèvement anticipé. Les produits d’assurance-vie sont traités au cas par cas, selon qu’ils sont assimilés à des revenus ou à de simples changements de capital.

Il est à noter que la Suisse ne pratique pas de prélèvements sociaux type CSG-CRDS, comme en France, sur ces revenus.

L’imposition de la fortune nette : une spécificité suisse

Peu de pays en Europe imposent encore la fortune : la Suisse le fait, à l’échelon cantonal et communal uniquement. L’impôt sur la fortune repose sur l’évaluation nette de tous les actifs détenus par le contribuable au 31 décembre, déduction faite des dettes (hypothèques, emprunts, etc.).

Les biens pris en compte incluent :

  • les comptes bancaires,
  • les actions, obligations et placements financiers,
  • les biens immobiliers (évalués fiscalement),
  • les véhicules, bijoux, collections, œuvres d’art, etc.

Les taux d’imposition sont en général progressifs, allant de 0,1 % à environ 1 % selon le niveau de fortune et le canton. Certains cantons prévoient des franchises ou exonérations partielles sur les premiers montants (par exemple, une exonération sur les 100’000 premiers francs pour une personne seule).

Ce point est souvent négligé par les expatriés qui arrivent en Suisse avec un patrimoine conséquent. Une planification fiscale bien anticipée peut ici faire une différence significative.

Revenus immobiliers : loyers perçus ou valeur locative

La détention d’un bien immobilier génère des obligations fiscales, même en l’absence de revenus locatifs. En effet, si un contribuable est propriétaire occupant, il doit déclarer une valeur locative, équivalent fictif d’un loyer que l’on aurait dû payer. Cette valeur est fixée par l’administration cantonale, souvent sur une base bien inférieure aux loyers du marché, mais elle peut représenter plusieurs milliers de francs par an, intégrés au revenu imposable.

En cas de location réelle, les loyers perçus sont déclarés en tant que tels, après déduction des frais d’entretien, des charges non récupérables et des intérêts hypothécaires. Ces déductions permettent parfois de réduire fortement l’assiette taxable.

Lors de la revente d’un bien immobilier, une plus-value immobilière est généralement imposée séparément. Chaque canton applique ses propres règles, souvent avec un taux dégressif selon la durée de détention (par exemple, une exonération totale après 25 ans dans certains cantons). Cette taxation s’applique uniquement aux biens situés en Suisse. Les plus-values sur des biens détenus à l’étranger relèvent du régime des conventions fiscales.

Les plus-values privées : un atout fiscal majeur

L’un des avantages les plus notables du système suisse est la non-imposition des plus-values privées. Cela signifie que les gains réalisés sur la vente d’actions ou de fonds d’investissement détenus dans le cadre d’une gestion privée ne sont pas taxés, à condition qu’il ne s’agisse pas d’une activité professionnelle déguisée.

Ainsi, un investisseur qui revend un portefeuille d’actions avec une plus-value importante n’est pas imposé sur ce gain, sauf si son activité est jugée professionnelle (fréquence élevée des transactions, utilisation d’effet de levier, etc.).

C’est un élément fondamental à considérer dans une stratégie patrimoniale internationale, notamment pour les résidents venant de pays où ces plus-values sont fortement taxées.

Pour approfondir la fiscalité globale applicable aux non-Suisses, vous pouvez consulter cet article complet sur l’imposition en suisse pour les étrangers.

Conventions de double imposition : un cadre de protection indispensable

La Suisse a signé plus de 100 conventions fiscales bilatérales qui visent à éviter la double imposition des revenus, en particulier ceux du patrimoine (dividendes, intérêts, loyers, plus-values). Ces conventions définissent quel pays a le droit de taxer un revenu donné, et dans quels cas un crédit d’impôt ou une exonération doit être accordé.

Cela concerne aussi bien les non-résidents disposant de revenus suisses que les résidents suisses ayant des biens à l’étranger. Il est donc essentiel, dans le cadre d’un patrimoine international, de connaître le contenu de ces conventions.

Par exemple, un résident suisse qui perçoit des loyers d’un appartement en France devra se référer à la convention franco-suisse pour déterminer les obligations fiscales dans chaque pays.

Conclusion : maîtriser la fiscalité du patrimoine pour optimiser son installation

S’installer en Suisse avec un patrimoine ou y développer des revenus passifs suppose une bonne compréhension du système fiscal local. Les règles suisses peuvent sembler techniques, mais elles offrent, dans bien des cas, des opportunités d’optimisation réelles, notamment grâce à la non-imposition des plus-values privées ou à l’absence de prélèvements sociaux.

Pour éviter les erreurs — ou pire, les redressements — il est fortement conseillé de s’informer en amont, de comparer les régimes cantonaux et de consulter un fiscaliste lorsque le patrimoine devient complexe. Mieux vaut prévenir que corriger, surtout dans un pays où les règles sont appliquées avec rigueur.